Les visages de la transition : Autumn Godwin

Autumn Godwin

«Nobody wants to be victimized, but at the same time, just because my family went to the residential schools and just because I’ve gone out of it, I do see myself as a warrior.»

« Personne ne veut se voir comme une victime, mais en même temps, parce que ma famille a été dans les pensionnats, et parce que j’ai réussi à en sortir, je me vois comme une battante. »

Il y a des gens qui s’impliquent dans les luttes sociales par choix, et il y a des gens qui naissent au cœur même de ces luttes. Autumn Godwin est l’une de ces personnes. Elle est membre Nehithaw de la Montreal Lake Cree Nation, située en Saskatchewan, mais elle a grandi dans plusieurs communautés autochtones différentes. Sa mère, ainsi que ses tantes et ses oncles, ont tous vécu dans les pensionnats, des lieux sources de traumas intergénérationnels difficilement calculables. Sa kukum (grand-mère) a aussi été portée disparue dans les années 1970 et sa mort n’a jamais réellement été élucidée. L’enfance d’Autumn, bien que portée par l’amour de ses tantes, est aussi marquée par le trauma. Le colonialisme et le racisme ont contribué à bâtir une société où les membres des Premiers peuples n’avaient bien souvent pas leur place et Autumn a dû passer au travers de nombreuses embûches systémiques pour se rendre là où elle est maintenant.

« I need to stop thinking about how I am gonna change the world and start thinking about the non-humans and start thinking about what small things I can do that is gonna make an impact. »

« J’ai besoin d’arrêter de penser à comment je vais changer le monde et je dois commencer à penser aux non-humains et penser aux petites choses que je peux accomplir et qui vont avoir un impact. »

Autumn vient de finir son premier cycle en Études autochtones à l’université Concordia, à Montréal, et elle s’apprête à commencer sa maîtrise dans un programme personnalisé sur la réappropriation culturelle des coutumes et des pratiques traditionnelles autochtones.  Autumn s’implique dans des luttes touchant à plusieurs enjeux sociaux et environnementaux, mais ce qui est au centre de son engagement est la guérison. Elle a compris l’importance de ne pas transmettre le trauma intergénérationnel dont elle a hérité à ses enfants et elle sait que pour ce faire, elle doit cultiver sa paix intérieure.

Malgré son mode de vie urbain, Autumn prend régulièrement le temps de revenir dans sa communauté et d’initier ses enfants aux pratiques traditionnelles. Elle accorde aussi une importance aux savoirs transmis par les aîné.es de sa communauté. Ces derniers l’ont grandement aidé à ralentir et à se recentrer sur les aspects tout aussi importants de la lutte que sont la douceur et le care.

« A lot of people don’t understand that being an urban indigenous person really affects your identity, in the sense that you are so connected to your land and values. »

« Beaucoup de gens ne comprennent pas qu’être une personne autochtone affecte directement ton identité, dans le sens que tu es vraiment connecté à ton territoire et à tes valeurs. »

Avec un groupe de femmes, Autumn a démarré un projet de tannage de peaux d’orignaux nommé les Buckskin Babes. Ce programme offre la possibilité à de jeunes autochtones de reconnecter avec cette pratique traditionnelle, mais aussi de développer un sentiment de communauté et d’appartenance. Elle sait que les traumas causés par les pensionnats et la dépossession de leurs terres créent un sentiment de déconnexion chez beaucoup de personnes autochtones. Elle cherche à les aider à se sentir de nouveau confortables dans leur identité tout en les incluant dans le processus.

« We are capable people and we know first-hand what we need on our lands »

« Nous sommes des gens capables et nous sommes les premiers à savoir ce dont nous avons besoin sur notre territoire. »

Autumn considère que les luttes sociales et environnementales portées par le Front commun pour la transition énergétique concernent tout le monde. Cependant, elle rappelle qu’il reste encore un grand travail de décolonisation à faire pour que ces luttes soient réellement inclusives des personnes autochtones. Elle souligne les capacités propres aux gens des Premiers peuples et rappelle l’importance d’être humble et d’accepter que les erreurs fassent partie du chemin vers un monde meilleur.