Les visages de la transition : Samantha Lopez Uri

Samantha Lopez Uri

« La TSÉ doit réunir différentes perspectives et amplifier les voix qu'on entend moins souvent.»

Samantha est une jeune femme absolument inspirante qui rêve d’une société plus juste et plus respectueuse des peuples et des terres que nous habitons. Née à Tiohtiá:ke (Montréal), d’origine bolivienne Quechua, Samantha est convaincue que la guérison collective est la clé pour se (ré)approprier nos espaces et nos histoires. Consultante antiraciste de manière autonome, elle accompagne, soutient et forme les organismes communautaires aux approches antiracistes et anti-oppressives pour créer des espaces par, pour et avec les personnes racisées. Parallèlement, elle est aussi conseillère en mobilisation des savoirs chez Projet collectif où elle s’occupe du soutien aux communautés et l’animation des différentes plateformes En commun. Sa mission? Tisser des liens entre les organisations et les savoirs des groupes marginalisés pour mieux collaborer ensemble et créer des solidarités. 

La rage et la colère comme moteur

Depuis très jeune, elle s’implique dans des organismes communautaires. Rapidement, elle constate que plusieurs jeunes et familles vivent des injustices. « Ces enjeux de racisme, de discrimination, d’insécurité alimentaire ou de brutalité policière étaient devenus des enjeux communs. Ces injustices ont créé un feu en moi. La rage et la colère m’ont amenée à être «radicale» aux yeux de certaines personnes. Ce sont pourtant des émotions tout à fait légitimes qui démontrent que nous ne vivons pas dans une société équitable et juste pour toustes. On m’a souvent reproché d’être radicale ou trop féministe, mais les reproches sont des stratégies pour me faire taire, me nuire et m’invalider. »

Une posture antiraciste qui déstabilise et qui dérange

Depuis quelques années, Samantha travaille dans le milieu communautaire, principalement dans le milieu de la jeunesse et de l’immigration. Elle note que plusieurs milieux sont devenus oppressifs et c’est alors qu’elle décide de commencer à travailler à son compte pour mettre de l’avant ses connaissances sur les enjeux de racisme et de discrimination dans le milieu communautaire. 

« Ma posture antiraciste peut déstabiliser et déranger les groupes dominants mais cela ne m’empêche pas de continuer ma lutte pour une meilleure reconnaissance des personnes autochtones, noires et racisées dans la société. Je me permets d’être authentique et d’amener les organisations à faire un travail de fond pour une réelle transformation organisationnelle. » 

Son rôle chez Projet collectif vise à soutenir les organisations dans la facilitation des savoirs et des personnes engagées pour une société plus juste et écologique. C’est un milieu qui lui permet d’apporter une perspective antiraciste et décoloniale dans le soutien des organisations et dans les formes de savoirs qui sont mis de l’avant. « Lorsqu’on fait de la veille sur la TSÉ, j’apporte des savoirs et des connaissances produites par les BIPOC (Black, Indigenous and people of color) par exemple. » 

« La TSÉ doit réunir différentes perspectives et amplifier les voix qu'on entend moins souvent. »

Bien qu’elle ne travaille pas directement dans la transition socio-écologique, les liens entre son travail et la TSÉ sont multiples. « On doit prendre en considération les enjeux vécus par les groupes marginalisés. Les savoirs doivent aller au delà de ce que nous dit la recherche; la TSÉ doit réunir différentes perspectives et amplifier les voix qu’on entend moins souvent.»

La transition socio-écologique englobe, selon elle, tous les enjeux actuels de notre société. Cependant, elle critique ouvertement le fait que la notion de TSÉ reste encore très floue, peu accessible et pas claire pour les groupes marginalisés. « C’est à se demander à qui s’adresse la TSÉ? Qui est exclus dans ce mouvement? Quelle est la place du social dans la TSÉ? La TSÉ doit être liée aux luttes et mouvements sociaux et grassroots pour agir de façon complémentaire. »

Elle se fait donc un devoir de partager et faire rayonner les savoirs et les connaissances des groupes marginalisés qui sont sans contredit les mieux placés pour nommer les enjeux qu’ils rencontrent. Samantha clame qu’il faut soutenir les mouvements sociaux et les luttes actuelles, aller dans la rue, manifester, partager leurs revendications, etc. « Toutes les luttes sont interreliées, on se bat toustes contre le même système, donc il faut converger nos luttes, se soutenir et renforcer notre solidarité. »

Pourquoi s'engager?

« Pour rendre justice à toutes les femmes de ma famille, à mes ancêtres et au territoire Abya yala et l’Île de la tortue. Pour obtenir justice pour toutes les personnes, bien avant moi, qui ont demandé « Land back » et qui ont lutté contre les oppressions systémiques. Les oppressions continuent et persistent à renforcer des injustices et des violences auprès des groupes marginalisés et de notre territoire. »

Samantha réclame la fin de la passivité. Elle croit qu’il faut cesser d’avoir peur de déranger et de déstabiliser le statu quo. « Tout changement est inconfortable et demande du temps. » ajoute-t-elle.  Les solutions sont nombreuses et claires pour plusieurs groupes pourtant marginalisés et pas vraiment rejoints par la notion de TSÉ.  « Prendre le temps d’écouter ce que nous disent les mouvements sociaux et les personnes qui mènent les luttes actuelles, arrêter de constamment essayer de réinventer la roue et plutôt miser sur ce qu’elles peuvent nous apprendre, elles qui travaillent depuis des millénaires pour la protection du territoire. C’est à nous de nous joindre aux luttes qui existent depuis bien longtemps et c’est à nous de nous adapter. »