Les visages de la transition : Thibaut Quinchon

Thibaut Quinchon

Être à l'écoute de notre biodiversité sonore

Crédit : Marie-France L'Ecuyer

Thibaut Quinchon est un artiste et concepteur sonore qui demeure à Saint-Damien, dans la région de Lanaudière. Il se décrit comme un audio-naturaliste et un capteur de paysages sonores, pratique à travers laquelle il souhaite mettre en valeur notre biodiversité et notre patrimoine sonore naturel. 

Thibaut s’est d’abord intéressé à la musique électronique, à l’âge de 13 ans. Cette expérience à sculpter des sons artificiels lui a permis de développer et d’améliorer son écoute. Il entreprend ensuite des études pour orienter sa carrière autour de la pratique de la conception sonore.

Notre manière d'habiter le monde

La lecture du livre Le paysage sonore de R.Murray Schafer sera marquante et déterminante pour la suite de sa pratique artistique. « Je me souviens notamment d’une phrase qui disait “Chaque région de la terre a sa propre symphonie d’oiseaux qui lui confère une tonalité particulière”. Je crois y avoir compris que l’environnement sonore est culturel, c’est-à-dire directement lié à notre manière d’habiter le monde. » nous raconte Thibaut. R.Murray Schafer est d’ailleurs considéré comme le père de l’écologie sonore. En décidant de suivre les chemins de cette pratique, Thibaut aspire à faire sa part dans la protection de l’environnement en faisant réfléchir au paysage sonore.

« Par la suite, de nombreux ouvrages, plus proche de l’audio-naturalisme ou de la biologie ne cessent de me conforter dans la poursuite de l’objectif que je me suis donné, poursuit Thibaut. Notons Les animaux parlent, sachons les écouter de Nicolas Mathevon ou encore Histoire naturelle du silence de Jérôme Sueur.»

Des captations sonores qui font état de notre biodiversité

En plus de sa carrière d’artiste, Thibaut est une personne engagée dans plusieurs actions citoyennes. Il voit d’ailleurs sa pratique artistique comme une occasion de faire de la sensibilisation. « Puisqu’on ne protège que ce que l’on connaît, je fais découvrir les vocalisations du monde vivant aux personnes qui écoutent mon travail, autant les oiseaux, les insectes que les mammifères. Je réalise des captations

sonores qui font état de notre biodiversité sonore et de la dégradation de notre paysage sonore au cours des dernières décennies. » 

Avec ces enregistrements, il réalise différents types de projet à mi-chemin entre l’art et la vulgarisation pour aiguiser notre écoute. Ce faisant, il espère tisser des liens entre la nature et la culture, pour que l’on cesse de voir ces deux domaines comme étant antagonistes. Il souhaite créer des liens affectifs entre les humains et les autres formes de vie sur Terre et ainsi participer à la promotion d’une société plus durable. « Je dirais avoir l’impression de détenir une mission cruciale puisque peu d’initiatives, au Québec, ne s’intéressent à ces questions. »

L'équité au sein de la biodiversité

Questionné sur sa vision de la transition socio-écologique, Thibaut parle de la détérioration de l’habitat de très nombreuses espèces et de l’importance d’un environnement sonore particulier pour vivre (ou survivre) correctement, y compris pour les humains. « Une étude que j’ai toujours trouvé importante indique qu’à Montréal, les personnes les plus exposées à la pollution sonore sont également les personnes vivant dans les situations de plus grande précarité. Pour moi, s’intéresser à la justice sociale, c’est également s’intéresser à l’équité au sein de la biodiversité. Est-ce que chaque espèce ne devrait pas avoir le droit d’accéder à un écosystème en santé? » 

Dans cet ordre d’idée, il s’émeut des démarches remarquables entreprises par différent·es citoyen·nes et militant·es pour faire reconnaître certaines rivières, telle que la rivière Magpie, comme des personnalités juridiques. « L’aspect puissamment poétique, voire spirituel doit malheureusement se heurter à un système dépersonnalisé et bureaucratique propre à nos états de droits. » 

Pour Thibaut, il est crucial que l’on porte un regard différent sur le monde et que l’humain cesse de s’autoproclamer supérieur à d’autres formes de vie. « Pour moi, la transition socio-écologique, c’est avant tout un changement d’état de conscience, de vision de ce qu’est “être un humain” dans nos esprits. » Pour opérer ce changement, il invite les gens à prendre le temps d’écouter la biodiversité sonore, de la nommer et de l’aimer, ou du moins la respecter. Il rappelle que l’ouïe est un sens tridimensionnel qui ne se repose jamais et qu’il est relativement difficile de retenir le son avec des obstacles. En ce sens, nous partageons nécessairement notre paysage sonore, il est le reflet de la vie sur Terre.

« La transition socio-écologique est vouée, selon moi, à être le terrain de jeu de notre intelligence collective sous le poids de la contrainte des changements climatiques et de la perte de biodiversité. Pour moi, agir pour la transition socio-écologique c’est être à l’écoute de notre biodiversité sonore. »

Pour en découvrir plus sur le travail de Thibaut, nous vous invitons à consulter son site web.